De L’histoire du Guérisseur blessé à la tyrannie du don (EXTRAIT)
C’est en recueillant des récits de vie en pleine reconversion que je me suis intéressée aux motivations et aux raisons qui poussent bon nombre de personnes à devenir thérapeutes (alternatifs ou non) aujourd’hui. En écoutant attentivement ces histoires individuelles, une certaine résonance commune à toutes me semblait émerger au travers de mots, de valeurs et croyances revendiquées :
“Je me suis reconverti.e après une blessure/rupture/accident/burn out… et j’ai découvert par hasard cette pratique de guérison qui a littéralement changé ma vie… Comme une évidence, j’ai souhaité transmettre à mon tour ce que j’ai reçu afin que les autres puissent, comme moi, se remettre de leurs blessures et contribuer à leur tour à un monde meilleur.”
Une résonance commune se dégageait également en termes de difficultés rencontrées sur le chemin de guérison ou d’évolution personnelle… celui qui mène possiblement à la transformation identitaire, tantôt salutaire, tantôt précarisante :
“J’ai du mal à me faire payer en échange de ce don qu’on m’a transmis. J’aimerais pourtant enfin pouvoir en vivre.”
“Je ne suis pas encore sûre de savoir quelle est ma véritable mission de vie. J’ai fait plusieurs séminaires de développement personnel & spirituel mais il (le “formateur” détenteur d’un don de clairvoyance) ne m’a toujours pas choisie. Forcément c’est que je ne suis pas à la hauteur de ce qui est attendu là-haut. En attendant je peine à développer mon entreprise dans le bien-être car je ne me sens pas légitime.”
Il me paraissait alors important de plonger quelques temps dans ces récits afin d’explorer puis déconstruire les postulats et théories sur certaines conceptions de la condition et existence humaine des auteurs qui les produisent et qui influencent leurs vies et celles de leurs lecteurs :
“Dans le développement personnel, il y a beaucoup d’appelés mais très peu d’élus !”
“Celui qui reçoit un don a pour mission de le transmettre.”
“Celui qui a souffert dans sa vie a été choisi pour sa capacité de transformer sa blessure en don et guérir à son tour les blessures des autres.”
“Pour guérir les autres, un thérapeute doit d’abord guérir ses propres blessures.”
Dans cet article, j’ai choisi de me concentrer sur la dynamique du pouvoir dans la relation de transmission et dans la relation d’aide en m’intéressant originellement à une question simple : Comment devient-on thérapeute, guérisseur, accompagnant ?
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Dans les idées narratives, déconstruire n’est ni détruire ni renier. La déconstruction est un moyen de comprendre les contextes où se produisent les discours qui empiètent sur la liberté et le libre arbitre des personnes. En tant que praticiens narratifs, nous savons que la déconstruction est à la fois une carte intentionnelle à dégainer avec nos clients pour leur permettre de démêler des conclusions identitaires “négatives” au cours de conversations externalisantes... mais c’est aussi une responsabilité éthique qui s’applique à soi-même.
Déconstruire, c’est prendre conscience de ses propres filtres, être prêt à revoir ses croyances et reconnaître qu’elles peuvent être challengées à la réception du récit de l’Autre.
Bref, c’est se rappeler en permanence que nous avons été ou pourrions être, un jour, à la place de la personne accompagnée.
Plan de l’article
Il était une fois … Chiron, le Guérisseur blessé.
Du mythe à la dynamique de l’archétype dans la relation d’aide.
Lignage de guérisseurs : les modalités d’accès au don et changement d’identité.
Réminiscence du mythe dans les pratiques et médias de la culture New-Age contemporaine : astrologie, business coaching 2.0, séries Netflix, manuels et conférences de développement personnel, popularisation des psychothérapies humanistes.
La tyrannie du don redonné : entre amalgame et technique de manipulation
Quelques questions narratives pour redevenir auteur de son mythe personnel.
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